La partie cachée de l’Iceberg


Souvent, elle se sentait habitée par une méduse aux corolles nacrées; cette intruse avait élu domicile dans ses bronches et de temps à autres allait se nicher dans ses poumons ou encore dans son ventre; elle se déplaçait glacée, visqueuse, hostile, semblable aux coquilles Saint-Jacques congelées lorsqu’elles traversent la gorge pour s’effondrer dans l’estomac.
Elle-même, pensait-elle, vivait dans le ventre d’une baleine lunaire qui s’était sans doute assise sur le bord de l’univers l’infléchissant un petit peu plus sa courbe;  » L’univers est-il courbe? » se demandait-elle alors. Elle rêvassait ainsi indéfiniment, imaginait sa méduse ou ce poulpe sortant les tentacules de sa bouche durant son sommeil, ondulant, les agitant une à une, se contorsionnant, signe de créature bienheureuse et surtout vivante.
Son âme dérivait aussi en réflexions vaines et scabreuses sur le temps, l’espace, associant innocemment les êtres, imbriquant les personnes, telles des poupées russes, les unes aux autres. Parfois elle en oubliait qui se cachait derrière ces visages fugitifs, si par exemple le personnage du RER inventé sur une apparence toute trompeuse n’était pas en fait un sordide cachalot intrigant lunaire. Tout un monde affleurait sous l’iceberg de sa fragilité.

Fort heureusement, elle avait vite compris qu’il valait mieux taire ces réflexions si poussées sur un monde apparemment inconnu de tous et surtout de certains membres de sa famille, se préservant ainsi du mieux qu’elle le pouvait de la schizophrénie du monde des adultes.

Camellia Burows

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