Le retour


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Lorsqu’elle l’avait revu, cela faisait deux heures qu’il l’attendait dans la nuit tiède et instable, sous les rafales de vent, à chercher des yeux le numéro de son immeuble. Il avait arpenté les quelques numéros de la rue, hurlé son nom dans les cours d’immeuble mais déjà Paris, la grise, la lui avait reprise. Il avait sur le front l’air égaré des enfants des rues ou des chercheurs d’or revenus à la civilisation.

Accoudé au comptoir, elle avait eu du mal à le reconnaître. Sa silhouette s’était grandie et ses gestes se faisaient plus affirmés. Une des dernières images qu’elle possédait de lui était son manteau noir ainsi que sa chemise blanche. Il était là, au comptoir, discutant vaguement avec un habitué, plus grand, habillé comme un voyageur revenant du désert. Lorsqu’il avait prononcé quelques mots dont elle ne se rappelait plus le sens, elle l’avait reconnu mais il demeurait l’inconnu, l’étranger.

Elle avait tant conversé, ils s’étaient tant livrés en correspondant que les mots lui échappaient, lui glissaient entre la bouche et sans s’évader de son esprit confus. La voix qui lui avait fait défaut dans l’écrit trahissait son émotion à présent. Et puis, vint sa voix à lui. Une voix plus grave, saccadée, une voix plus stable et pourtant si nerveuse de l’attente, gonflée de non-dit. Voilà ce qui avait tant changé, sa voix. Une voix d’homme et les attitudes assurées de celui qui ne possède rien et passe son chemin.

A peine éveillée, les yeux un peu gonflés, elle avait posé sur ses lèvres un baiser rouge de fard et poudré ses joues. Les yeux de ce garçon en face, parti quatre ans plus tôt ne se ressemblaient pas. Toujours aussi verts et les gestes délicats et attentionnés. Ses cheveux se faisaient plus rares mais n’ôtaient aucun charme à son minois enfantin. Il l’avait attendue si longtemps dans la rue, le nez planté dans les étoiles absentes, des heures durant, et l’avait raccompagnée doucement comme un chat entre chez vous, cherche quelques traces connues puis ressort à pas de loup pour vaquer à ses occupations. Il avait refermé doucement la porte, était parti en fuyant le malaise, la laissant à son repos interrompu, et elle, qui avait si sommeil auparavant, en avait oublié ses songes, les étoiles manquantes et s’était prise à sourire en pensant à cet homme qu’elle retrouvait.

Camellia Burows.

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