Lila elle a… Elle a des yeux gris et bouffis, Lila, un visage sans âge, défraîchi au sourire d’enfant, un corps vieilli bien avant l’heure et une

expression favorite qui vous comprend… dans n’importe quelle situation. Car elle vous comprend Lila. Elle roule les « r » avec entrain et corrige votre français, Lila, même si c’est votre métier, le français, car son dictionnaire, lui, ne se trompe jamais. Elle semble toujours un peu fatiguée, Lila. Tête blonde aux cheveux un peu décolorés, vaguement ondulés, qu’elle incline parfois de côté, en souriant et d’un geste affairé dégaine son poudrier avec son rouge à lèvres toujours trop rose, comme celui de votre mémé et un peu trop brillant, penche de nouveau l’oreille et, satisfaite, se sourit précautionneusement.
Elle a toujours son mot à dire même si elle ne comprend jamais votre conversation. Ah, Lila! Un petit bouquet de rose un peu fané, un parfum vague de personne âgée. Mais Lila elle est plus jeune que moi et je ne sais pas bien pourquoi elle est tant vieillie déjà.
Et Lila rit subitement, d’une voix presque étouffée comme le rose des dragées des premières communiantes, à vos paroles qu’elle prend pour une farce et qu’elle saupoudre d’ironie, une blague sans doute commune à votre région natale française ; vous étiez très sérieux mais pour montrer qu’elle a compris, Lila, vous lance une oeillade, le coin de son oeil gris rieur, complice de quelque chose qui en tout point n’était pas moqueur.
Camellia Burows