Aujourd’hui, il a pris soin de bien épousseter sa casquette vert kaki large comme un disque d’athlétisme grec. Il s’est rasé, tout frais et chemine doucement le long de la rue rouge de poussière.
Quelques chars militaires le dépassent et des adolescents crient, le saluent. Certains titubent déjà. Fiers, l’arrogance accrochée aux lèvres.
C’est les yeux brillants de fierté qu’il reçoit, vêtu de son costume vert, les tulipes rouges et roses des enfants emplis d’une gratitude que l’Europe a oublié. De ses yeux bleus délavés fuse la fierté d’appartenir à un pays qui se souvient. La ville est rouge. Rouge de tulipe, rouge de drapeaux et lui porte l’or de ses médailles. Rouge sombre sang. Il marche lentement sur la route où enflent et gonflent les particules elle aussi. Son sourire s’est figé, ses yeux se souviennent des combats et il entend la foule qui acclame des hommes simples devenus vieux.
Tous applaudissent et lui ivre de cette reconnaissance fait un signe de main à ses amis tapissés de médailles. Les tulipes rouges et roses ornent ses mains plissées sous l’âge. Il y en a des blanches. Et les drapeaux claquent narguant le soleil rieur. Il plissent un peu mieux son regard d’acier et sa peau brune, tannée par l’âge et le temps, pour apercevoir les courses à pied données en leur honneur à tous. Sa poitrine enfle, il serre un peu plus fort le parfum pourpre et entêtant des brassées tandis que les enfants croisés continuent de le fleurir.
La Russie se souvient, l’Europe tombe dans l’oubli.