J’étais entrée dans cet appartement coquet, bien mis, empreint de lectures et de sons, non pas vraiment par hasard mais, sans grande conviction. Un ami m’avait promis une fête du tonnerre, un truc qui ferait crac boum hue. Je l’avais suivi ne connaissant que lui, un peu en manque de lien avec un monde perdu. J’étais toute occupée à m’incruster, tel un crabe se terrant dans le sable, dans ce nouveau ciment social. J’étais bien absorbée à ne pas sentir ces battements de cœur qui ne me ramenaient qu’au vide de mon âme lorsque j’avais aperçu ces deux énormes yeux noisette qui me lançaient quelques coups façon stroboscope. Comme ça, par intermittence. Je papillonnais, quatre fois de suite des yeux, afin de me ramener à la réalité, me retournais pour m’assurer qu’ils s’adressaient bien à une autre personne et ne découvrais qu’un mur blanc dans mon dos.
Couleur noisette étaient-ils, autant dire marron, une couleur bête à pleurer dit-on; et pourtant, les yeux marron sont, pour moi, sans doute les plus fascinants tant il y en a de différents. Ceux de mon ancien compagnon, par exemple, ressemblaient davantage à deux châtaignes trop cuites, minuscules les châtaignes, mais avec une élégance unique dans l’harmonie de leur courbure ; car c’est bien là le propre des yeux couleur châtaigne ou café au lait que de mettre en évidence la courbure de l’œil mais surtout les plis du visage. D’ailleurs, je l’affirme tout haut les yeux marron possèdent une élégance inégalable, ou presque. Les yeux noirs font montre de trop d’éclat qui éclipse leur forme tel un bigarreau parmi les autres billes attire toujours l’œil et l’admiration à lui.
Ces deux-là offraient une courbure digne du poème d’Éluard, La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur, une longueur longiligne en amande et une connivence que je crus certaine. Ils s’étiraient sans fin tels deux superbes jambes interminablement, finement mais sûrement dessinées. Deux bas de soie couleur gazelle et une contre-courbe à la sonorité ronde d’un tuba. Il me fallut quelques secondes pour cesser de les scruter. Cette couleur aussi, pour certains marronnasse ici offraient un brun plutôt tirant sur l’ambre, ce genre de brun chaud qui vous retourne le cœur et l’âme, me fit immanquablement penser à du bleu. Aucun rapport logique me direz-vous. Certes. Ce noisette-là et la courbure de l’œil prolongeaient comme un immense éclat de rire, un sourire bienveillant qui tiendrait à moi, longtemps. J’y vis une invitation, un sens à cette couleur, à cette forme digne d’un travail d’orfèvre.
On essaie tant de lire dans le visage d’autrui toute l’âme et les sentiments que l’on aimerait trouver en lui alors que notre propre visage n’est lui-même jamais vraiment le reflet de ce que l’on croit être et que l’on abhorre l’œil qui scrute et croit voir en nous quelque chose d’inaltérable.
Camellia Burows
Bien vu ! 😉
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ah quel réconfort dans cette nuit à lutter entre vérité/réalité et le reste que tu connais bien assez 🙂 merci mon ami!!
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