Simon Stone, l’enfant terrible de la mise en scène, adapte et transpose Yerma de Garcia Lorca au Young Vic. Originellement, la pièce se déroule au début du XXe siècle, dans une Espagne rurale, et Yerma, femme d’un paysan, y est avide de connaître les joies de la maternité sans parvenir toutefois à concevoir un enfant.
Simon Stone transpose judicieusement dans notre contemporanéité cette trame en conservant certains personnages et grands thèmes de cette oeuvre. Ainsi, Juan et Yerma deviennent deux personnes aux abords de la trentaine, l’une journaliste et responsable de son département dans un grand journal et l’autre entrepreneur, et formant un couple à l’osmose parfaite, et à qui tout réussit.
La scénographie intelligente et fine, est bien évidemment l’œuvre de Lizzie Clachan (qui a notamment conçu la scénographie de l’incroyable the forbidden zone de Katie Mitchell ). L’espace scénique est réduit à une sorte de boîte rectangulaire vitrée, encadrée de panneaux noirs s’intégrant parfaitement à la scène circulaire du Young Vic. Les vitres offrant aux spectateurs une vue de toutes part si bien qu’il peut apercevoir d’autres spectateurs de l’autre côté de ce rectangle. Cette scénographie épouse et épaule efficacement le propos et l’enjeu dramatique : si les baies vitrées obligent le spectateur à adopter une position de voyeur à certains moments (notamment lors des scènes intimes du couples), cette cage de verre matérialise également l’enfermement de Yerma dans son embourgeoisement, dans son désir d’enfant, désir qui apparaît comme d’ailleurs assez social, jusqu’au paroxysme, jusqu’au point de non-retour. Différents tableaux s’enchaînent sur scène d’une façon très rythmée et alternent avec des noirs, Simon Stone reprend ici la structure même de la pièce de Garcia Lorca. Deux écrans situés au-dessus de la vitre faisant face aux spectateurs, donnant des indications temporelles, distillent également des titres. Ces écrans fonctionnent ici comme des didascalies, parfois frôlent, derrière ces indications laconiques, le commentaire tel un Choeur froid, ce qui permet de suivre tambour battant, le fil de l’évolution des personnages sur fond de musique traditionnelle espagnole. Cette alternance de scènes jouées et de noir confèrent à la piece un rythme effréné qui participe de la chute et de l’émotion du spectateur : ainsi les scènes sont interrompues au beau milieu d’un dialogue rompant avec les traditionnelles entrées et sorties des personnages.
Du désir soudain d’enfant que montre Yerma dans le premier tableau, naît donc une obsession et le spectacle évoque cette descente aux enfers, graduelle et pourtant fulgurante, de ce personnage et de son couple en écorchant au passage notre temps ( l’évolution du couple, la mise en scène de soi-même,etc) Ainsi, trouve-t-elle une sorte de salvation en se livrant sa vie, ses émotions et son parcours pour enfanter en spectacle sur son blog.
La pièce interroge l’être et son devenir, l’embourgeoisement, la définition de l’amour et les regrets de jeunesse, l’obsession de réussite, la pression sociale, l’être dans sa propre mise en scène sur les réseaux sociaux, mais surtout elle fonctionne comme une mécanique tragique bien huilée et le spectateur pris au piège passe doucement du rire de lui-même à la stupeur tragique face à la déchéance inéluctable du personnage, face à son attitude irrationnelle et pourtant si compréhensible.
Une descente aux enfers qui, si elle s’éloigne totalement du texte initial et en ôte l’aspect poétique, n’en retranscrit pas moins tout le tragique contenu, interprétee de facon époustouflante par Billie Piper dans une mise en scene et scénographie intimiste et brillante.
Actuellement au Young Vic à Londres jusqu’au 24 septembre.
Yerma d’après la pièce de Garcia Lorca.
Mise en scène Simon Stone.
Scénographie : Lizzie Clachan
http://www.youngvic.org/whats-on/yerma
À lire : la magnifique pièce Yerma de Garcia Lorca aux éditions de L’Arche, traduction notre écrivain bien-aime Fabrice Melquiot !
*Pétard ! Quel travail… C’est vraiment du beau boulot !*
*Félicitations*
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Merci 🙂 !
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