Une série : Black Mirror, Charlie Brooker


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Je n’ai jamais écrit à propos de séries télévisées ; aussi cet article sera-t-il une première pour moi au cours duquel je tenterai de ne pas dévoiler l’intrigue des différents épisodes et saisons. Cela fait plusieurs années que je regarde avec avidité la très virtuose, dystopique et ironique série britannique Black Mirror et je dois dire que chaque saison m’interpelle. Les différents épisodes sont presque invariablement conçus à partir du présent dans lequel le spectateur évolue et présentent un futur si proche du nôtre qu’il ne serait pas impossible qu’ils se produisent, en tout cas que l’on se le représente.

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Charlie Brooker, créateur de la série Black Mirror, photo de Maarten De Boer/Getty image

 

Le génie du showrunner, le concepteur de cette série, Charlie Brooker, est de nous plonger dans cette immédiateté tout en pointant du doigt l’horreur qui pourrait arriver ou plutôt qui est en train de se produire. Il suffit d’ailleurs de mettre en regard la série documentaire et fictionnelle américaine Dark Net pour s’en convaincre, dans laquelle nous retrouvons le rapport au virtuel devenu quotidien : personne se faisant greffer une puce électronique dans la main pour contrôler sa maison, payer ses factures, documentariste borgne ayant une caméra sous forme d’oeil artificiel, afin de créer un documentaire, biopic, sur sa vie, et les exemples sont nombreux.

Chaque épisode de Black Mirror présente un univers différent, raconte une histoire  à chaque fois dissemblable, portant subtilement sur les avancées technologiques, derrière une trame narrative solide et des personnages bien campés, tout en grossissant les défauts de notre société. Rapport au réel, et au virtuel figurent au coeur du travail de Charlie Brooker, puisqu’il met en avant l’obsession de l’apparence, le retour d’une bienséance dictatoriale, flirtant avec l’impossible, une société naviguant dans une réalité du possible, une virtualité qui ne cesse de nous encombrer : écrans et technologie de pointe. Entre souvenirs virtuels dans les saisons précédents, accès aux sentiments personnels, à l’inavouable jardin secret de chacun tout y passe.

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Black Mirror saison 2, épisode 2, la chasse

La dernière saison de Black Mirror ne fait pas exception à la règle : du glauque et de la dénonciation ou tout au moins de la mise en relief de l’évolution de la société humaine. Entre les « j’aime », like ( de facebook, instagram, twitter) devenus un mode de vie et une dictature, la relation au réel distordue par le biais de la réalité augmentée, du virtuel , chaque épisode est conçu comme un petit bijou, et possède le fonctionnement narratif semblable à une nouvelle à chute (point du vue unique du personnage, caméra en gros plan pour occulter certains aspects de la réalité, faux indices visuels ou auditifs etc.)

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Black Mirror saison 3 épisode 1, Nosedive

Le spectateur averti se perd ainsi peu à peu, et imperceptiblement, dans ce labyrinthe et dans ces mondes du possible. Véritable miroir réflexif et réflexion sur le rapport entretenus avec nos semblables la série dresse un tableau acide, acerbe de cette société complexe à laquelle le spectateur participe par consentement silencieux, et en visionnant notamment ces épisodes, adoptant ainsi une certaine position de voyeur.  Un seul épisode échappe à la règle du sordide : l’épisode 4 qui amène à reconsidérer cet ensemble assez noir puisqu’il présente un monde utopique et non dystopique, le virtuel au service de l’humanité.

Une merveille de satire qui donne du grain à moudre sur la manipulation de l’homme par l’homme, par les médias et par le virtuel, la représentation de la guerre et l’obsession d’une société parfaite, la poursuite inlassable du bonheur, le rapport à la déviance humaine, et tout ce qui semble obnubiler l’homme actuellement, et antérieurement, se retrouvent ici intelligemment condensé, à l’aune de l’ère technologique.

Rien de nouveau sous le soleil  me direz-vous puisque tous ces thèmes hautement philosophiques (à quand une émission des Nouveaux Chemins de la connaissance, sur France Culture, consacrée à la série Black Mirror ?) ont toujours hanté l’homme depuis la nuit des temps, mais c’est peut être justement là, dans la virtuosité de l’articulation de ces thèmes, ou questions, philosophiques avec le monde actuel, que réside le succès de cette série qui pose finalement les questions du devoir moral, du sacré, du bonheur et du réel ; Plus qu’une simple fiction nous pourrions y voir ici, une infinité de portraits de l’évolution de l’humanité.

Je ne me lasse pas de revoir les épisodes, chose exceptionnelle pour une série.

Black Mirror, 3 saisons, Charlie Brooker

Troisième saison sur Netflix

La bande-annonce :

Charlie Brooker à propos de la série Black Mirror et notre société :

https://www.theguardian.com/tv-and-radio/2016/oct/14/charlie-brooker-black-mirror-tinder-pokemon-go

Bande-annonce de la série documentaire américaine Dark Net :

Les Nouveaux Chemins de la Connaissance, France Culture, par Adèle Van Reeth.

https://www.franceculture.fr/emissions/les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance#

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