Premières Lignes/First Lines#5 Histoire du tigre et autres histoires, Dario Fo, L’Arche


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Très en retard pour ces cinquièmes premières lignes, pardonnez-moi !

Magnifique monologues que ces Histoire du tigre et autres histoires de Dario édité chez L’Arche. Pour ces premières lignes, j’ai choisi de vous présenter Histoire du tigre que Dario Fo a écrit après un long voyage dans la Chine de Mao Tsé-Toung au cours duquel il a assisté à la représentation de ce conte dit par un comédien paysan dans un dialecte que son traducteur n’était pas à même de retranscrire.

Voici ce qu’en écrit Dario Fo à propos de cette belle parabole dans le prologue au monologue :
 » L’Histoire du Tigre est le symbole de cette épopée racontée par un protagoniste (la traversée de la 4e et 7e Armée de la Mandchourie jusqu’à la Mongolie sans chevaux ni mulets) (…) à partir de la traversée de la chaîne de l’Himalaya.
Se trouvant parmi les recrues de l’avant-garde, il a pour mission de protéger ses compagnons durant leur progression. Au moment où il doit avancer à son tour, éclate une violente bataille avec les hommes de Tchang Kaï-chek, et le soldat se trouve atteint à la jambe par un projecticle. La blessure s’infecte jusqu’à provoquer la gangrène, et il souffre tellement que ses camarades envisagent tout simplement de l’abattre (…)
Bien que sentant sa mort prochaine le soldat décide néanmoins de résister (…à il se fait remettre un révolver, un peu de riz, une couverture et il exige de ses compagnons qu’ils l’abandonnent. (…) un malheur n’arrive jamais seul… (…) peu de temps après, notre homme est surpris par un violent orage : les fleuves débordent, et toute la vallée est envahie par les eaux.

Le pauvre soldat avance comme un pantin désarticulé, trainant derrière lui sa jambe blessée. Il traverse tout le plateau, il risque à plusieurs reprises la noyade dans un torrent en pleine crue mais réussit finalement à se réfugier dans une grotte. C’est au moment où il croit être  en sûreté qu’arrive un troisième malheur : la grotte est habitée par une tigresse (…) accompagnée de ses tigraux (…)
A partir de ce moment s’installe une situation absolument surréelle qui, au lieu d’abattre définitivement le malheureux soldat, le pousse à trouver la force de résister et de renverser à son avantage chaque situation, même la plus absurde. 
Par ailleurs en Chine, le tigre est doté d’une signification hautement symbolique? On dit que celui qui possède le tigre est quelqu’un qui ne se laisse jamais abattre, ne se laisse jamais aller au découragement. Il ne fuit pas, il ne reste jamais isolé et, même quand les autres prennent leurs jambes à leurs cou, il tient, lui, le feu toujours allumé.

Le monologue en lui-même comprend des didascalies minimalistes qui laissent le champ ouvert au comédien et dont l’art du récit chinois est retranscrit au sein de la parole au travers de nombreuses onomatopées.

Le texte :

 » HISTOIRE DU TIGRE

Quand nous sommes descendus de la Mandouchourie avec la Quatrième Armée, la Huitième et presque toute la Septième, nous marchions nuit et jour en traînant les pieds. Des milliers, nous étions. Chargés de notre barda, crasseux, épuisés, nousavancions avec les cheveaux qui ne tenaient pas le coup et mouraient… nous mangions les chevaux, nous mangions les ânes qui crevaient, nous mangions les chiens. Trop contents de manger, même les chats, les lézards et les rats y passaient ! Quelle dysenterie on a attrapée ! On chiait tellement que, sur cette route, je crois qu’il poussera pendant des siècles l’herbe la plus haute et la plus grasse du monde !

On crevait, parce que les soldats de Tchang Kaï Chek nous tiraient dessus… ils nous tiraient dessus, ces bandits blancs, ils tiraient de tous côtés tous les jours… On tombait dans leurs pièges… ils nous attendaient, cachés derrière des murs, dans les villages, ils empoisonnaient l’eau et on mourait, mourait, mourait.

Nous sommes arrivés bien au-delà de Shanghai, nous sommes arrivés à l’endroit précis où on voyait se dresser devant nous la montagne de l’Himalaya. Là, nos chefs on dit :

« Arrêtez ! Ici, nous sommes à la merci d’un piège, d’une embuscade… il peut y avoir là-haut quelques-uns  de ces bandits blancs de Tchang Kaï Chek qui attendent que nous passions le défilé. Alors tous ceux qui forment l’arrière-garde, grimpez là-haut et montez la garde pendant que nous passons. »

Une longue présentation me semble toujours nécessaire à certains textes théâtraux.

Et vous, possédez-vous le tigre et gardez-vous les braises entre vos mains toujours allumées ?

Histoire du tigre et autres histoires, Dario Fo, L’Arche 

Chaque dimanche les premières lignes d’un livre sont proposées à la lecture d’après l’idée originelle de ma lecturothèque qui publie sur son billet consacré, la liste des blogs qui y participent.

Vous pouvez aller lire les premières lignes des différents blogs y participant ici :

Les blogueurs et blogueuses qui y participent aussi :
Moglug 
Les Livres de George
• La Chambre rose et noire
• Lectoplum
Songes d’une Walkyrie
Pousse de Gingko
• Colcoriane
Page blanche et noire

Au bazar des mots
Akatsuki no manga

9 commentaires

      1. You flatter me but I will remember the tiger next time my legs are aching and it’s starting to rain and I’m wondering why I’m not at home with my feet up!

        Thank you for reading me too. I appreciate your support.

        Aimé par 1 personne

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