Premières lignes #7, Dans la République du Bonheur, Martin Crimp, pièce implacable, éditée chez l’Arche


Dans la République du Bonheur, Martin Crimp, l’Arche

Le repas de Noël est interrompu par l’arrivée de l’oncle Bob qui désire parler au nom de Madeleine, sa femme, afin d’exprimer son ressenti.
Martin Crimp révèle ici les fissures d’une famille. Au travers de cette comédie à l’humour noir, grinçant et caustique, il campe des personnages écartelés entre liberté et désir d’appartenance à une structure sociale. Une réflexion sur le désenchantement et la tyrannie du bonheur individuel.

«  Journée. Noël. Perdu dans l’espace, un petit arbre artificiel avec des lumières. La famille réunie – Maman, Papa, Grand-mère, Grand-Père, Debbie, Hazel.
Papa fixe Debbie. Silence.

DEBBIE. Je ne cherche à vexer personne, Papa. Je t’aime. Et j’aime Maman. J’aime aussi Grand-mère et Grand-père – et bien sûr Hazel. Vraiment, Hazel – quoi que tu puisses penser. Mais le fait est que, que je sais que j’aimerai mon bébé plus encore. Et c’est comme ça que ça doit être, Papa – malgré tout l’amour que je te porte; je sais que j’aimerai mon bébé plus encore. C’est bien ça qui me fait peur. Tu n’aurais pas peur, toi ? Quand tu poses ton regard sur le monde ? – quand tu imagines le futur ? J’ai peur, Papa – pour mon bébé. Et je suis vraiment désolée parce que je sais que c’est Noël et que je ne devrais pas parler comme ça d’horribles choses mais c’est juste que, je ne peux pas m’en empêcher.
MAMAN. Tu n’as pas à t’excuser, Debs. Tommy n’est pas vraiment en colère – n’est-ce pas Tom.
HAZEL. Alors pourquoi elle s’en débarrasse pas, tout simplement ?
MAMAN. Hazel ne pense pas ce qu’elle dit.
HAZEL. Si je le pense – puisque tout le monde n’est pas « assez bien ».
GRAND-MÈRE. Ce n’est pas une gentille chose à dire. Hazel.
MAMAN. Elle ne le pense pas vraiment.
HAZEL. Si je le pense.
Pause.
MAMAN. Alors tu es allée au supermarché, Margaret ?

GRAND-MÈRE. Oh ce n’est pas très intéressant.
MAMAN. Nous, nous pensons que ça l’est. Qu’est-ce que tu as ramené de beau ? Allez – dis-le nous – remonte-nous un peu le moral.
GRAND-MÈRE. Eh bien – j’ai acheté un laitue –
MAMAN. Vraiment ?
GRAND-MÈRE. Oui.
MAMAN. Une belle ?
GRAND-MÈRE. Oui. Une assez belle laitue, et un paquet de biscuits.
MAMAN. Fantastique !
GRAND-MÈRE. Oh et de la documentation pour votre grand-père.
DEBBIE. De la documentation ? Quelle genre de documentation ?
HAZEL. Elle veut dire de la pornographie. »

La pièce en elle-même possède une structure très interessante avec un échange possible des rôles dans la deuxième partie, quelques passages chantés et d’autres dont le nom des personnages n’est mentionné, avec pour seule indication le type de personnage (comme la Vieille dame) dans la liste des personnages, que le metteur en scène choisira pour donner la réplique, les changements de réplique étant indiqués seulement par un tiret.

Elle a été montée par Marcial Di Bonzo en 2014/2015

Dans la République du Bonheur, M. Crimp, traduction P. Djian, L’Arche

In the Republic of Happiness, M. Crimp, Faber and Faber plays.

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Les blogueurs et blogueuses qui y participent aussi :

Moglug 
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• La Chambre rose et noire
• Lectoplum
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Pousse de Gingko
• Colcoriane
Au bazar des mots
Akatsuki no manga

8 commentaires

    1. Effectivement, c’est tout l’humour noir de Crimp mais ici ce n’est que le début. Il met progressivement en place une tension et les fractures et la pièce devient petit à petit plus déjantée (tant au niveau forme que narration). Peut-être que je devrais mettre d’autres extraits ?

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