Petit lexique amoureux du théâtre, Philippe Torreton, Le Livre de Poche
Je comptais vous faire part de mon avis sur Un ennemi du peuple d’Ibsen mis en scène par Thomas Ostermeier mais comme j’ai lu amoureusement et d’une traite et que je relis le Petit lexique amoureux du théâtre de Philippe Torreton et je ne peux m’empêcher d’écrire quelques mots rapides dessus. Pour tout vous avouer, je comptais même en faire les prochaines premières lignes de ce dimanche. Ancien pensionnaire de la Comédie Française, Philippe Torreton, nous livre le jargon du théâtre assorti de réflexions, anecdotes dans un style bien trempé, intelligemment fait, élégamment tourné et très engagé.
Je ne résiste pas à la gourmandise des toutes premières lignes :
» A comme Admiration
L’Admiration laissé un vide. C’est une sorte de reddition de terrain neutre. L’admiration est compliquée pour un acteur : se réjouir du talent de l’autre. »
Un lexique où l’on y apprend des facéties entre comédiens :
Coutume dangereuse qui consiste à organiser des blagues sur scène ou en coulisse à ses partenaires le soir de la dernière représentation. Le but, en principe, est de faire en sorte que le public ne s’en rende pas compte. Si votre personnage est censé boire de la vodka, vous pouvez être certain que, ce soir-là, vous en aurez de la vraie qu’il vous faudra avaler sur scène d’un trait sous les regards de la coulisse rieuse. Si vous portez une valise, ce soir-là elle sera plus lourde de quelques pains moqueurs. Cela rétablit un peu l’équilibre par rapport au nombre de valises qui ne pèsent rien sur scène. »
dans lequel le vocabulaire est revu à l’aune des interprètes :
La coulisse est un endroit qui entoure immédiatement le plateau, espace en général encombré, d’acteurs, de techniciens et d’accessoires, tous nerveux et tendus. Le tout est plongé dans le noir le plus total. C’est donc un endroit où se jouent des pièces bizarres faites de bribes de tirades et de hurlements étouffés de personnes s’apercevant qu’il manque quelque chose à quelqu’un. C’est aussi un lieu d’enfance où l’on avance à tâtons, où des mains frôlent d’autres mains, où des effluves de parfums mêlées de sueur « s’orphelinent » le temps d’une scène. Un lieu où l’on peut se cacher pour écouter un passage du spectacle que l’on aime parce qu’on est amoureux du texte ou de l’actrice.
C’est un lieu de passage, un sas étrange où, souvent, de petits rituels voient la nuit parce que, un pas plus loin, c’est la lumière et les gens.
C’est un lieu de prières païennes, de peines et d’étreintes, de baisers de lèvres et de paumes, un lieu de chauffe en bleu de nuit, une soute à garçons, un sac de filles que la peur rend vivants. »
à l’anecdote croustillante et au vocabulaire du théâtre revisité :
» P comme Proscenium
Partie avancée du bord de la scène. C’est de là que l’on peut crier : » I’m the king of the world ! »
Mais aussi l’importance de nos actions, rapport au monde, et de l’engagement artistique (petit clin d’oeil à Nath et à son atelier non pas club… https://theatredenat.wordpress.com/) :
» C comme Club-théâtre
Il semblerait d’après certains courriers qui me parviennent qu’il existe encore dans ce pays des collèges et des lycées dont la direction estime qu’il n’est pas nécessaire que certains élèves se réunissent pour faire du théâtre, de la danse, du cinéma, de la musique et j’en oublie.
Il faudrait virer du monde politique et de l’enseignement tous ceux qui sous-estiment la pratique d’une discipline artistique, tous ceux qui continuent de penser que si la cigale n’a rien à manger quand la bise se radine, eh bien, c’est tant pis pour elle, cette fainéante n’avait qu’à travailler ! Faire du théâtre ce n’est pas travailler donc pas de ça chez moi.
La France n’en finit pas de se référer à ses artistes morts qui ont porté haut le « génie » français tout en faisant en sorte que l’art ne s’éloigne pas trop des côtes un peu comme cette navigation prudente d’avant boussole (…) »
Un petit livre, vous l’aurez compris, qui se dévore goulûment, savamment dosé et pimenté de mots piquants pour tout ceux qui souhaitent découvrir les coulisses et les dessous des comédiens.
À engloutir ou à picorer. Je ne m’en lasse pas.
J’espère qu’il vous plaira. Il me semble que l’on y trouve l‘essence du théâtre et la matière même du spectacle et quelques réponses aux questions souvent prosaïques des spectateurs que nous sommes.
J’avais très envie d’ajouter d’autres extraits, dites-moi si vous souhaitez que j’en rajoute.
Ce livre me semble bien croustillant 🙂 Sympa ton article et ta mise en page…
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Merci beaucoup Goran !
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Chère Camillia. Merci de m’avoir mentionnée dans ton article, je suis très flattée, c’est très gentil. J’ai lu ce livre comme toi avec gourmandise. Tout y est juste, drôle, acéré et pertinent. Merci d’en poster certaines parties. J’attends avec impatience ton article sur « Un ennemi du peuple » de Ostermeier, je ne l’ai pas vu mais je le regrette. Je viens de voir son Hamlet avec l’immense Lars Eidinger. ce spectacle de 2h45 est passé comme un rêve. Je le porte encore avec moi. Un moment de pur bonheur. Au plaisir de ton prochain article
je t’embrasse
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Avec plaisir. Je suis ton blog que j’aime beaucoup et je trouve, comme P. Torreton le dit ton travail primordial !
Ah je suis heureuse. J’avais adore Hamlet par Ostermeier et je le trouve nécessaire au theatre d’aujourd’hui et son engagement. Je vais publier ce billet au plus vite.
À très bientôt !
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Il y a quelques années, j’ai offert ce livre à mon père, mais je n’ai jamais pris le temps de le lire alors qu’il m’est à portée de mains et que je travaille moi-même au théâtre. Il faut que je le glisse dans ma pile à lire ! 🙂
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Je te souhaite une belle lecture !
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