C’est donc en mars dernier que les Tragédies Romaines d’Ivo Van Hove alunissaient à Londres après avoir notamment été joué à Avignon en 2008. Un ensemble de 6h avec quelques minutes d’entracte, en néerlandais surtitré ne devraient arrêter aucun d’entre nous d’y assister.

Les Tragédies Romaines mise en scène par Ivo Van Hove reprend et adapte le cycle des tragédies romaines shakespeariennes et plus particulièrement celle de Coriolan, d’Antoine et Cléopâtre et de Jules César.
Un choc visuel, une fête intense à laquelle Ivo Van Hove nous convie au cours duquel à chaque petits entractes le public est invité sur le plateau.
La scénographie présente un ensemble de bureaux dans un centre de congrès international, qui matérialisent les prises de pouvoir. Un immense écran situé à l’avant-scène surplombe le tout, retransmettant des moments du spectacle ou la mort de chaque personnage (qui est elle-même annoncée par un décompte lors des sous-titres par intermittences : plus que 50 minutes avant la mort de Cléopatre). Les différentes pièces de Shakespeare sont savamment coupées ce qui en offre la quintessence shakespeariennes et se retrouvent avec un vigueur renouvelée et en écho à l’actualité.

Ici, le théâtre se rend à la portée de tous et la scénographie n’y est pas étrangère. Le plateau est ainsi investi de bureaux, une salle de congrès et des nouvelles apparaissent à sur un écran géant prenant tout le devant de la scène comme autant de flash info sur la mort prochaine de l’un des différents personnages, se distillant également sur les différents écrans qui jalonnent les bureaux et autres salles de conférences. Les coulisses y sont d’ailleurs abolies, les comédiens se préparant en direct devant la salle et les spectateurs invités à graviter dans l’espace scénique pour y déambuler pendant les pauses, acheter un sandwich, boire, consulter leurs emails, puis assister au plus près des scènes se déroulant sous leurs yeux, tout ceci à l’exception de la dernière partie (environ la dernière heure) où le drame reprend le dessus, l’assemblée doit alors rejoindre les fauteuils au plus vite. On l’aura compris la scène, livrée en pâture au public, rappelle une arène de jeux romains où les spectateurs, presque citoyens auraient presque leur mot à dire. Cet effet est d’autant plus accentué que les scènes et actes sont ponctués par des solos ou morceaux interprétés à la batterie, aux cymbales, et autres instruments rythmiques, les deux musiciens placés à l’avant-scène côté jardin et cour. Les morts, en pagaille avec ce condensé de Shakespeare de 6h, y sont d’ailleurs dramatisées, exagérées et figées en une photo non sans rappeler ceux d’autres guerres plus actuelles ou la médiatisation et la banalité qu’est devenu celle-ci. Le tout est démultiplié par l’emploi de la video et rendu sur les nombreux écrans des bureaux de ces salles de congrès et dont l’ampleur du drame, les personnages figures de l’ambition, de visions politiques antagonistes, dépasse même la salle du Barbican puisque le spectateur est invité à prendre des photos et à les tweeter, à les poster sur Instagram et autres réseaux sociaux.
Si les complots ourdis, les meurtres, trahisons et autres grandes figures historiques nous renvoient de façon symbolique et vraisemblable à notre réalité politique avec, notamment, le tout début de cette longue trilogie marqué par une video de l’investiture de Donald Trump, aux séries actuelles ou ancêtres des séries, ou encore aux personnages médiatiques (ce que l’on retrouve également le génialissime Kings of War Hans Kesting en Richard III), Ivo Van Hove et sa troupe, au jeu époustouflant, il faut bien l’avouer, Hans Kesting évidemment qui reste une bête de scène mais aussi Chris Nietvelt en Cléopâtre névrosée de maux actuels, réussissent à réinventer la scène et la tragédie shakespearienne.



Plus qu’une transposition, une adaptation ou un renouvellement, c’est à une véritable expérience du politique et théâtrale que plonge le spectateur agrippé à la scène, les écrans, et les différents personnages, par la tension du drame et tout comme dans Kings of War, qu’il souhaiterait prolonger l’expérience au-delà des six heures !
The Roman Tragedies, Les Tragédies Romaines d’après William Shakespeare.
En mars dernier au Barbican
Du 29 juin au 8 juillet 2018 au Théâtre Chaillot à Paris : http://theatre-chaillot.fr/ivo-van-hove-tragedies-romaines
Durée : 6h avec de très courts entractes en néerlandais surtitré.
Mise en scène : Ivo van Hove
Traduction : Tom Kleijn
Dramaturgies : Bart van den Eynde, Jan Peter Gerrits and Alexander Schreuder
Scénographie et lumière : Jan Versweyveld
Compositeur : Eric Sleichim
Video : Tal Yarden
Costumes : Lies van Assche
Avec Hélène Devos, Fred Goessens, Janni Goslinga, Marieke Heebink, Robert de Hoog, Hans Kesting, Hugo Koolschijn, Maria Kraakman, Chris Nietvelt, Frieda Pittoors, Gijs Scholten van Aschat, Harm Duco Schut, Bart Slegers, Eelco Smits (COMÉDIENS), Ruben Cooman, Yves Goemaere, Hannes Nieuwlaet, Christiaan Saris (MUSICIENS)
Cela m’apparaît une expérience inoubliable!!! Mais 6 h, ce n’est pas un peu long? Merci pour cette suggestion!!!
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Franchement non ! Tu ne les vois pas passer tant la mise en scène Et les comédiens sont bons !!
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Excellent alors!!! L’intensité doit être au rendez-vous!!! 🙂
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Oui surtout avec un comédien comme Hans Kesting !!
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Quelle expérience dingue tu as du vivre ! Je n’ai jamais vu « en vrai » une mise en scène de Ivo van Hove, je n’ai vu qu’en DVD les damnés joués l’année dernière à Avignon. J’avais déjà été éblouie par la mise en scène, avec ce même rapport à la mort et les acteurs qui se changent et se maquillent à vue comme tu le racontes. Grâce à toi j’ai pu imaginer celle-ci ! Merci Camellia 🙂
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