Réussir à parler de la situation iranienne tout en rassemblant le public et en enseignant le farsi dans un pièce douce, drôle, tendre et provocante sans jamais tomber dans la mièvrerie, telles sont les composantes du petit bijou écrit et interprété par Nassim Soleimanpour.
Après avoir été jouée au Bush Theatre puis avoir remporté le premier prix Fringe Award 2017 au festival d’Edimbourg, Nassim revient au Bush Theatre pour quelques rares représentations.
Il faut dire que la pièce est audacieuse à l’égale des autres oeuvres de Nassim Soleimanpour dont la plus connue White Rabbit Red Rabbit a été jouée dans quinze langues différentes et par Ken Loach ou d’autres personnalités; demain soir Dominic West s’adonne à l’expérience dans White Rabbit Red Rabbit.
L’auteur iranien s’est ainsi spécialisé dans les courtes pièces interactives, sans répétition préalable, sans même que l’acteur qui intervient dans la pièce ne la connaisse. Chaque représentation accueille, en effet, un comédien différent qui, sans avoir vu la pièce ni ne posséder aucune connaissance de celle-ci, se confronte au texte du dramaturge contenu dans une enveloppe scellée. L’auteur lui-même monte sur scène brouillant ainsi les frontières entre dramaturge, personnage de sa propre pièce, ici, autobiographique.
Ce soir, mardi 12 septembre 2017, c’était Tim Crouch, connu lui aussi pour son théâtre expérimental, qui se prêtait au jeu. Le comédien qui monte sur scène ne peut avoir vu au préalable la pièce Nassim et doit s’en remettre entièrement à l’auteur et à ses indications pour pouvoir entrer dans la pièce. Sur scène, un plateau nu se présente au public à son entrée : une table, une chaise sur laquelle est posé un grand carton de déménagement, un micro et en fond un large écran blanc.
Nassim Soleimanpour depuis une coulisse filme sa table de travail, révélant ainsi un manuscrit, contenant en italique les didascalies et les paroles de son personnage, le comédien en scène, ses mains, tout ceci permet d’interagir en temps réel avec le public mais surtout avec l’acteur présent sur le plateau. Si la trame de cette expérience semble simple, il n’en est rien. Nassim Soleimanpour s’est forgé un nom dans le théâtre en envoyant ses pièces depuis son Iran natal alors qu’il était assigné à résidence. Dans cette pièce éponyme, l’auteur revient sur sa langue natale, le Farsi, son rapport à l’Iran et à sa famille. Alors que ses pièces n’ont jamais été jouées en Iran ni même en Farsi, Nassim plonge le public dans une expérience fraternelle mais aussi rend hommage à la figure de sa mère qui n’a jamais pu assister à l’une de ses représentations, ni lire une de ses pièces, toutes écrites en anglais. Sur fond d’enfance aux faux airs de contes, les frontières entre théâtre et réel s’estompent peu à peu. L’absence de décor ou l’aspect de bric et de broc importent alors. Il s’agit de revenir à l’essentiel, l’émotion pure, brutale et physique du théâtre, se laisser emporter, griser, submerger par elle.
Nassim Soleimanpour réussit avec brio ce protocole expérimental : faire entrer en collision réel et illusion tout en éveillant son public à ce qui l’entoure, raconter une histoire, la faire prendre vie sur un plateau de théâtre en en utilisant tous les ressorts à partir d’un texte, sans texte mais avec l’auteur présent, en coulisse et sur scène.
Une voix forte, importante dans le théâtre de nos jours. Un très beau plaidoyer pour l’humanité.
Nassim, de Nassim Soleimanpour avec un comédien différent à chaque représentation.
Durée 1h10 environ
https://www.bushtheatre.co.uk/event/nassim-2/
Sound Designer : James Swadlo
Merci pour cette présentation, je ne connaissais pas…
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