Après la magnifique et formellement épurée Mouette (toujours de Tchekhov) mise en scène par Ostermeier, celle de Simon Stephens, connu pour son très beau Curious Incident of the Dog in the Night-Time, donnait sa première mardi soir dernier au Hammersmith Lyric.

Konstantin Treplev, fils de la grande actrice vieillissante Irina Arkadina, donne une représentation privée dans leur datcha au cours de laquelle son amie Nina, 18 ans, interprète le renouveau théâtral. Des habitués de la petite ou grande bourgeoisie s’y retrouvent et la mère de Konstantin ne cesse d’interrompre le spectacle. Y participe également Boris Trigorine, célèbre écrivain à succès et amant d’Irina. Nina et lui tomberont follement amoureux, et délaissant Konstantin elle le suivra à Moscou pour entamer une carrière d’actrice. La pièce fait la part belle à la création artistique, au renouveau théâtral, à la difficulté de l’écrivain mais aussi au personnage d’Irina, actrice sur le déclin, fascinante.

Une scénographie moderne qui évoque un été contemporain plus britannique que russe une pelouse verte, des chaises de plastique blanches, des loupiotes, une guitare électrique (symbole sans doute de modernité) accueille le spectateur. Quelques écueils cependant pour cette première, l’une des scènes mythiques celle au cours de laquelle Konstantin apporte une mouette dans un sac poubelle, qu’il vient de tuer, scellant métaphoriquement le destin de Nina (ce qui sera souligné par Trigorine qui s’inspire de ce fait pour le récit d’une jeune femme, semblable à Nina, ayant toujours vécu autour du lac et libre comme une mouette), chaque fois que les personnages font référence à cette mouette morte et laissée dans un sac plastique un bruit de mouches voletant autour d’elle se fait entendre, bruit vain, inutile et redondant, de même que le lac, pourtant omniprésent dans la pièce et la chaleur de l’été russe, rendant fous les personnages, ne se font que très peu ressentir.
Après l’entr’acte, le décor représente l’intérieur d’une villa aux couleurs grisâtres, insignifiante, et les protagonistes se font plus russes, donnant parfois dans le cliché, et buveurs de vodka au petit déjeuner. Même chose, des ajouts peu judicieux viennent alourdir le texte, construit entre comédie et tragédie, comme la scène où Irina masturbe Trigorine dans une tentative ultime d’asseoir sa séduction et son pouvoir alors qu’il commence à succomber au charme de Nina.

Les dernières scènes présentent le bureau de Treplev entre un chantier et une chambre d’hôpital, néon bleuté, rideau de plastique. Le « boudoir » dans lequel se suicide Treplev est relégué hors scène. La touchante tirade de Nina interprétée avec délicatesse par Adelayo Adedayo, alternance de douceur et d’absence (contrairement à d’autres interprétations donnant dans la rage) fonctionne parfaitement, contrairement à Brian Vernel, incarnant Konstantin, qui, lui, offre un jeu très inégal parfois maniéré à l’extrême. Lesley Sharp incarne une Irina délicieuse dans tout le cynisme de son âge et les affres de la célébrité tandis que Nicholas Gleaves offre enfin un Trigorine sexy et réellement obsédé par ses écrits.
Si la piècela recherche de l’amour et leur impossibilité à le saisir et à s’en satisfaire car trop dévorés par leurs ambitions ou passion souligne notamment au travers des personnages secondaires comme Macha, amoureuse éconduite de Konstantin, ou encore du docteur, l’adaptation de Simon Stephens, qui fait la part belle aux personnages principaux, échoue à montrer la nécessité de ces personnages secondaires, pourtant essentiels à l’intrigue. Ce qui est d’autant plus regrettable que la scénographie développe une certaine poésie entre nostalgie et contemporanéité de la datcha, révèle certains plis de l’intrigue comme avec les arbres projetés en fond, le jeu des lumières, des projecteurs, mise en abîme du monde du théâte, les rappels des néons utilisés dans la représentation de Treplev et couleurs froides bleutés se retrouvant dans les dernières scènes rappels des premières et opposées à celles des scènes au bord du lac.
Une mise en scène finalement inégale, qui demande certainement à mûrir, avec des moments poétiques et entraînant, des choix judicieux pour certains acteurs, mais qui semble parfois mettre le sous-texte tchekhovien de côté, un parti-pris parfois lourd et inutile au regard d’un tel texte. Les trois heures cependant défilent assez rapidement, la scénographie vaut le détour ainsi que la réflexion que suscite le parti-pris ici.
The Seagull, Tchekhov, Lyric Hammersmith
Durée 3h avec entr’acte.
https://lyric.co.uk/shows/the-seagull/
Beau billet, très détaillé. Et puis l’essentiel, malgré les quelques petits bémols sur les différents bruitages (eau, mouche, etc.) et autres, c’est de ne pas s’être ennuyé. Mais est-ce possible lorsqu’il s’agit de Tchekhov ?
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J’aime tant ses pièces que cela m’est impossible sauf, figure-toi pour la mise en scène au National Theatre l’année passée qui m’avait tant agacée ! Merci Goran !
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Ah oui, à ce point… Je ne me souviens plus si tu es as parlé…
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ah oui ici (à cause de la scénographie surtout) https://camelliaburows.com/2016/10/09/young-tchekhov-platonov-ivanov-et-la-mouette-david-hare-national-theatre-london/
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j’aime me promener sur votre blog. un bel univers. vous pouvez visiter mon blog (cliquez sur pseudo) à bientôt.
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Merci c’est gentil. Je vais aller le voir. A bientôt !
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Belle présentation tout en détail! On a le goût d’aller voir la pièce!!!! Merci!
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Merci à toi !!
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