Coriolanus, Shakespeare, mise en scène d’Angus Jackson, Royal Shakespeare Company, Barbican. Vertige politique.


C’est avec Coriolan, l’ultime tragédie de Shakespeare, la plus complexe et la plus éminemment politique que la Royal Shakespeare Company inaugure, au Barbican, le cycle de quatre tragédies romaines.

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Photo Helen Maybanks Copyright RSC

Coriolan a acquis ce nom honorifique et une réputation de général courageux et hors norme lors de la mise en déroute de l’armée des Volsques dirigée par Aufidius pendant le siège de la ville de Corioles. Méprisant la plèbe et ses tribuns, il avait auparavant été accusé d’être parmi les responsables de la famine qui faisait rage dans la Rome à la République encore balbutiante.  De retour à Rome, Coriolan décide de se présenter aux élections consulaires et obtient le soutien du Sénat (aristocratique), s’oblige à séduire le peuple mais il est un ennemi des plébéiens et souhaite la disparition du tribunat de la plèbe qui, face au Sénat aristocratique, représente les droits du peuple. Deux tribuns Brutus et Sicinius convainquent le peuple de voter contre lui et ce dernier dénonce avec virulence alors le système démocratique. Il est finalement condamné à l’exil. Après avoir trouvé refuge auprès de son ancien ennemi Aufidius chez les Volsques, Coriolan adulé, jalousé par Aufidius, par l’armée volsque marche sur Rome. Seule une délégation de femmes et d’enfants avec à sa tête Volumnie la mère de Coriolan, sa femme et son fils reussissent à l’attendrir au nom de la Patrie. Il lève le siège et rentre chez les Volsques où il est assassiné par Aufidius et ses fidèles, jaloux de son aura, déçus de leur défaite.

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Photo Helen Maybanks Copyright RSC
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Photo Helen Maybanks Copyright RSC
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Photo Helen Maybanks Copyright RSC

Pièce retorse dans laquelle le politique façonne l’intrigue, Coriolan explore au travers de l’arrogant personnage éponyme les problèmes du régime démocratique, problèmes qui restent malheureusement d’une actualité criante dans nos républiques en souffrance.  N’avons-nous le choix qu’entre la démagogie des tribuns et la tyrannie des « hommes forts » ? Faut-il préférer la sécurité à la liberté ? Autant de questions suscitées par la pièce.

 Dès les premières scènes, deux classes s’opposent : un chariot élévateur soulève des sacs de maïs pour les rentrer auprès des patriciens et l’ôte à la plèbe malgré la famine qui s’abat sur la ville. A cet égard, le peuple est vêtue de sweat-shirts à capuche, jogging et baskets tandis que les patriciens portent costumes et noeuds papillons. Le choix d’une scénographie contemporaine, très à propos, offre de somptueux tableaux et expose cette omniprésence de la dialectique politique : les patriciens aux appartements aux sculptures somptueuses face à la plèbe toujours dans la rue aux murs de briques, autour d’échafaudages de fer. Deux immenses portes à l’arrière scène symbolisent cette séparation comme deux grandes fractures, mais à l’image des rebondissements se meuvent en autant de lieux : entrepôt,  portes de la ville de Corioles devenant grilles ou portes, entrée des appartements du palais de Coriolan, arche de gloire, etc.
Les lumières éclatées, de Richard Howell, viennent, par ailleurs, habiller élégamment cet ensemble. Ainsi, filtrant au travers des grilles d’entrée des portes de la ville de Corioles, elles diffractent le plateau en autant de carrés lumineux, ou alors crues extérieur jour à l’égal de la franchise de Coriolan lors de sa tentative ratée de séduire le peuple car il ne peut se résoudre à mentir,  ou encore en version camouflage avec des teintes de bruns et de verts alors que le sol la réfléchit sourdement et obscurément lors du siège de Rome et de Corioles, bleu froid pour les scènes d’hommage et de gloire de Coriolan ou de la délégation de femmes tandis que volètent des confettis rouges, prenant enfin au dénouement lumières aux teintes cuivrées ne provenant que de l’intérieur  des deux portes, le reste du plateau étant plongé dans le noir, et se refermant sur le corps de Coriolan.

Photo Helen Maybanks Copyright RSC

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Photo Helen Maybanks Copyright RSC
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Photo Helen Maybanks Copyright RSC

Coriolan, lui-même, incarne le visage de la bravoure dans sa constance. Face aux politiciens versatiles, il conserve sa ligne de conduite et amène à réfléchir sur le fait politique. Doit-on toujours revendiquer ses idées même si elles nous coûtent le pouvoir ? La pièce balaie d’ailleurs différentes configurations politiques, entre tensions et calmes, collectif et individualité : de l’insurrection des plébeiens en passant par la réquisition de tous les citoyens contre la menace, l’avénement du fait héroïque accédant trop aisément au pouvoir que Coriolan risque de mettre qu’à son propre service dénonçant les rouages à vide de cette république et appelant presque à l’insurrection contre les plébeiens qui le poussent à bout puis au renégat chassé de la ville qui la veille le sacrait héros, pour en devenir le traître passé à l’ennemi, scène dans laquelle Coriolan, dans cette production, vient interrompre une soirée.

Un personnage complexe, symbole du fait politique, superbement interprété par Sope Disiru dont le jeu devient à mesure de la pièce plus consistant, faisant toucher du doigts toute l’humanité, le mépris, la recherche d’absolu de Coriolan. Haydn Gwynne en Volumnie se révèle une partenaire qui permet au couple mère/fils de fonctionner et d’exister parfaitement sur scène, ce que montre son plaidoyer sur la Patrie et démontre scéniquement comment le rhéteur devient un guerrier, comment le politique continue la guerre.

Coriolanus, de Shakespeare, mise en scène Angus Jackson, par la RSC au Barbican à Londres.

Le site du Barbican pour réserver : https://www.barbican.org.uk/whats-on/2017/event/royal-shakespeare-company-coriolanus

Le site de la Royal Shakespeare Company : https://www.rsc.org.uk/coriolanus/

Durée : 2h45 + 20 mins d’entracte.

Jusqu’au 18 novembre au Barbican.

 

3 commentaires

  1. J’aurai peut être mis cette citation :

    Premier citoyen :  » Eux veiller sur nous !… ( ) Ils n’ont jamais veillez sur nous. Ils nous laissent mourir de faim quand leurs magasins regorgent de grain. ( …) … et promulguent de statuts chaque jour plus vexatoires pour enchaîner et opprimer le pauvre.

    qui me semble aller bien dans tout l’argumentaire.

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