
Il neige à gros flocons, aujourd’hui, sur Londres, et le froid mordant se fait sentir jusque dans les chaumières. L’occasion rêvée pour se replonger dans le spectacle hybride Grimly Handsome joué en ce moment au Royal Court Theatre. Si le Royal Court Theatre est surnommé le théâtre des écritures contemporaines, il n’en est pas moins celui des recherches esthétiques et formelles. Grimly Handsome, pièce écrite par Julia Jarcho et primée au Obie award-winning, en fait partie.

Suivez les panneaux et les sapins de noël pour trouver l’entrée de la pièce, le tout sur une bande-sonore pleinement festive et un vin chaud aux épices festives vous accueillera à l’entrée. Le spectacle prend place dans les salles de répétitions, ou ateliers, et l’ensemble est serti dans l’écrin d’une exposition artistique à l’esprit d’un noël à l’excentricité Lynchienne. Taxidermie, chambre d’enfant au lit accroché au plafond et la commode au mur, explosion de noël de paillettes et de guirlandes, panneau indiquant « regardez la vue » et donnant sur le métro, et, dans l’arrière-cour, deux hommes à l’air louche et en tenue de décontamination, fumant une cigarette, une scène de crime aux preuves parsemées le long des murs, une salle vitrée dans laquelle une femme se tient tel un suspect en garde à vue, autant de vitrines représentant l’excentricité de la pièce, le parti-pris d’une bizarrerie délicieuse.




Credit Johan Persson
Pas de metteur en scène à proprement parler, ni de scénographe mais deux noms, et pas des moindres, accolés à la mise en scène Chloé Lamford, notamment scénographe pour Katie Mitchell et Sam Pritchard. Grimly Handsome se déroule donc pendant les festivités de fin d’année et présentent différentes histoires des bas-fonds d’une ville américaine. Deux vendeurs de sapins, Alesh et Gregor, tuent chaque année une jeune femme, ailleurs, des policiers enquêtent sur « l’éventreur de noël », une de leur amante se transforme et des pandas roux survivent dans des terrains vagues, immeubles laissés à l’abandon. Contes des bas-fonds de la ville aux thèmes sordides, entre dysopie et ville violente fantasmée Grimly Handsome souligne la bizarrerie des villes et du monde. A ces thèmes graves et personnages particuliers se heurtent un humour macabre, non sans rappeler l’étrangeté de Twin Peaks, ou encore, l’humour sordide de Fargo, servis par un trio de choc du délicieux Alex Beckett à la corrosive Amaka Okafor en passant par Alex Austin. D’autant que les acteurs endossent différents rôles, pas moins dix personnages, radicalement dissemblables, dans cette mise en scène hors norme, proche de la performance. Un joyeux fatras, empilement d’intrigues, tout à la fois glaçantes, dont le spectateur ressort avec autant d’interrogations et d’embryons de réflexions.





Credit Johan Persson
Ce qui m’a le plus intéressée c’est le choix de dérouler l’action en partie en hors-scène. Partie intégrante du spectacle, la régisseuse scène est déguisée en panda roux, entourée et noyée de décorations de noël. Plusieurs écrans télé retransmettent ce jeu hors scène. A cela s’ajoute un espace particulier : une salle longitudinale aux immenses fenêtres. Le spectateur entrevoit certaines scène se déroulant en dehors de l’espace scénique mais surtout à l’extérieur au travers des immenses vitres ; d’autres scènes se déroulent également hors plateau, dans les salles de l’exposition et sont retransmises sur les écrans. Parfois, les comédiens jouent l’un avec l’autre d’une pièce à l’autre simultanément sur le plateau. Mise en scène et scénographie inventives, donc, l’ensemble fonctionne comme une hallucination grandeur nature, un cauchemar parfois poétique aux relents écoeurants de tout ce qu’une grande ville peut produire de nauséabond.





Credit Johan Persson
Cette année la programmation artistique de Vicky Featherstone aura été extrêmement féconde et d’autant plus intelligente qu’elle a relayée des dramaturges et metteurs en scène trop peu entendus et vus sur les scènes des théâtres européens comme celle de Liwaa Yazji. Le Royal Court Theatre reste l’un des théâtres qui ne cesse de surprendre agréablement par son engagement tant politique qu’artistique, sa recherche formelle, son audace et son innovation.

Mélange de registres et de genres qui valent le détour, ne serait-ce que pour l’expérience.
Grimly Handsome, de Julia Jarcho, mise en scène et scénographie par Chloé Lamford et Sam Pritchard au Royal Court Theatre jusqu’au 23 décembre.
Avec Alex Austin, Alex Beckett, Amaka Okafor.
Informations et billetterie ici : https://royalcourttheatre.com/whats-on/grimly-handsome/
Je suis toujours partant pour un vin, chaud ou non 🙂
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Pareil ! Pardonne-moi je te réponds au plus vite. Je n’ai pas encore eu le temps de publier mes westerns modernes… (soupir et yeux roulés au ciel)
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😀 ne t’inquiète pas 😉
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M’interroge de plus en plus sur le « retour » du naturalisme dans les scénos / décors de théâtre, y compris par l’ajout du « modernisme » des écrans …
Cette manie de recréer le réel … pas fan.
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oui. Je comprends. Je trouve que les britanniques ont tendance à être assez naturalistes niveau scéno, ce dont je ne suis absolument pas fan. Ce que j’ai aimé c’était cette idée de recherche, de jeu avec l’environnement immédiat, comme s’il reconstruisait la pièce, avec indices.
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Oui, je l’entends bien 😉
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C’est très frustrant !
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Je vais noter le nom de ce théâtre pour mon prochain séjour…
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L’un de mes préférés ! Si tu viens je t’emmène dans mes théâtres adorés (si tu as le temps indeed !)
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