
Le Bush theatre compte parmi mes théâtres préférés à Londres. Je reviendrai à ce sujet prochainement, dans un article au cours duquel je compte vous présenter mes quatre théâtres préférés parmi ceux que j’affectionne le plus, sa programmation intelligente et sa prise de risque vous donne la certitude de voir toujours des pièces audacieuse par leur forme et très contemporaines dans leur écriture. Une fois installé sur son siège le spectateur se trouve, s’il l’a consenti, ajouté quelques minutes avant le début de cette forme hybride entre performance, confession, spectacle au groupe What’sapp intitulé Believers. Le metteur en scène, comédien et créateur du spectacle Javaad Alipoor se joue des conventions théâtrales et invente un nouveau terrain de jeu entre performance, récit et interaction, par le biais du groupe whatsapp, il s’interrompt pendant le spectacle pour échanger dessus, théâtre immersif il fait même dire à l’audience en guise de fin de phrases inscrit dessus, ou encore dos à la scène avec utilisation de video comme dans un échange skype retranscrit sur écran géant, décalage de video etc.

Seul en scène avec derrière un immense écran de projection transparent, un autre joueur, sans doute l’homme de technologie, Javaas Alipoor nous raconte : quelque part en Syrie une petit fille joue sur une place et pendant qu’on la filme avec un smartphone une bombe explose. A différents endroits du globe trois hommes regardent ces images et réagissent de façons très diverses. Ce sont ces réactions que Javaad Alipoor tente de nous faire toucher du doigt de façon analytique et dans ce cadre enrobé de technologie ce qu’il qualifie de guerre qui sévit entre la société libérale, dominante et permissive et celle de jeunes hommes en colère et anonymes planqués derrière leur écran.

The Believers are but Brothers prend le partie de l’utilisation de la technologie et de l’examen des outils qui permettent à ce déversoir de haine auquel nous assistons actuellement de proliférer, de remettre en cause toute identité. Que ce soit à propos du terrorisme ou des extrémismes, comme le Front National dont le rôle dans l’élection de Trump est souligné pendant le spectacle, Javaad Alipoor interpelle l’audience, la conduit courageusement sans se laisser décontenancer par un humour plus potache qui circule sur le groupe whatsapp, déchaîné pendant cette Première, pendant qu’il déroule le fil de la violence et de l’intolérance. Si son jeu scénique, parfois maladroit, oscille entre intimité avec le public (lorsqu’il se trouve à jardin), récit des monologues intérieurs des différents personnages (lorsqu’il se trouve à cour), est soutenu par des illustrations de propos tenus directement envoyé sur le fil du groupe whatsapp, il manque d’assurance et d’affirmation. Très rapidement le propos, lourd de sens est décalé avec des plaisanteries lourdingues sur le physique de l’acteur en scène, et le spectateur ne sait plus où donner de la tête entre le flot d’informations accentuant les propos de Javaad Alipoor, la scène et les écrans situés sur scène et la dichotomie entre le public plaisantin et la force l’horreur déployée notamment en Syrie ou ailleurs, en passant par les migrants, donnent certes matière à réfléchir et fait froid dans le dos. Le public semble plus captivé par le groupe whatsapp et les réflexions puériles que par ce que l’ensemble de la pièce met en avant : l’origine de l’extrémisme islamique, à travers le Gamergate et la campagne marketing qu’Isis utilise pour radicaliser les jeunes combattants et les ramifications labyrinthiques scellées à travers le monde.
Il faut saluer l’initiative et la bravoure avec laquelle cette expérience scénique est menée et qui peut sans doute conduire à une forme plus aboutie avec un jeu d’acteur clair et affûté mais il semble que l’horreur glaciale et pernicieuse qu’elle soit dans la violence ou l’indifférence qu’il tente de mettre à jour, ait tendance à trop se diluer dans l’abondance de la forme qui convoque également Call of Duty en une métaphore filée. Le spectacle se clôt sur les spectateurs volontaire énonçant des phrases défilant sur leur écran sur le groupe whatsapp, un autre moyen, une forme différente pour essayer de toucher les participants.

The Believers are but Brothers jusqu’au 10 fevrier au Bush Theatre : https://www.bushtheatre.co.uk/event/the-believers-are-but-brothers/#anchor-media
Ecrit et interprété par Javaad Alipoor
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