Girls and Boys, Dennis Kelly, Mise en scène Lindsey Turner, Royal Court Theatre. Carrey Mulligan : à coeur ouvert, bouleversante.


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(Credit: Marc Brenner)

Lors d’une interview récente à la radio, Régis Jauffret auteur des Microfictions affirmait ne pas posséder en lui une once de violence. Dennis Kelly doit être exactement de la sorte : pas un brin de violence en lui, même si son oeuvre possède toujours une part très sombre et cruelle, reflet parfait de notre société, à l’égal de celle Jauffret. Dans Girls and Boys, Dennis Kelly nous livre des tranches de la vie du personnage sans nom qu’incarne Carey Mulligan, comme il sait si bien les croquer, portant entre autres thèmes sur l’oppression patriarcale de la femme.

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(Credit: Marc Brenner)

Le plateau transformé en une boîte bleu turquoise ou bleu profond selon la lumière employée, dont une partie est obscurcie par une toile, face public, encadrée par un néon rose et à la lumière blanche très crue dans les changements de « conversation » comme les différentes scènes sont nommées dans le texte offre deux espaces : l’un au lointain voilé lorsque Carey Mulligan se tient à l’avant-scène, le second aux cintres relevés, révélant le décor au préalable caché. Tandis qu’une partie de la scène est aveuglée, le personnage de Carey Mulligan raconte, avec beaucoup d’humour, sa rencontre avec son mari, dans la queue pour embarquer sur un vol Easyjet, leur amour fou et tendre, puis la lente et imperceptible érosion de leur couple. Les autres « conversations » dévoilent un plateau se composant d’une cuisine ouverte sur un salon et donnant sur une porte extérieure, aux lumières et à la couleur bleu pastel, ou profond, presque bleu de Klein. Du bleu jusqu’à l’écœurement, soutenu par des néons encadrant l’ensemble, puisque tout hormis quelques rarissimes objets, touches rouge ou roses, revêt cette couleur. Des jouets au plafond. En passant par les instruments de cuisine, les fruits dans un panier, etc. Cette scénographie matérialise alors sans doute le souvenir ou la rêverie du personnage de Mulligan, et présente alors des scènes familiales avec ses enfants, comme s’ils lui répondaient, sans que ces derniers ne se trouvent physiquement sur le plateau. Scènes rétrospectives ? Insolites et surprenantes en tout cas. Le rire du début de la pièce, de la salle acquise d’emblée et conquise par Carey Mulligan, devient alors absurde, grinçant puis glaçant devant le drame et l’horreur mis à nu.

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(Credit: Marc Brenner)

90 minutes d’un monologue d’une sincérité poignante, Carey Mulligan déploie une gamme de couleurs de jeu qui vaut absolument le déplacement, tandis le spectateur se sent l’invité dans son salon jusqu’à l’inconfort de la confidence.

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(Credit: Marc Brenner)
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(Credit: Marc Brenner)

Un texte à chute qui prend aux tripes longtemps après la pièce, ancré dans une contemporanéité immédiate, à la mise en scène intelligente et porté par une actrice sidérante. Remarquable.

Girls and Boys Dennis Kelly, mise en scène Lindsey Turner, au Royal Court Theatre à Londres jusqu’au 17 mars (matinées le samedi).

Durée : 90 mns

https://royalcourttheatre.com/whats-on/girls-and-boys/

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