Titus Andronicus est l’une de mes pièces préférées de Shakespeare (même si j’entends déjà la levée des boucliers : une pièce de jeunesse, pas aussi aboutie que les grandes pièces, avec trop d’intrigues secondaires et principales) et la plus violente et sanglante des pièces de Shakespeare.
Par cette soirée glaciale d’hiver, revoir Titus Andronicus et rire, avoir le dos hérissé d’effroi et plonger dans cette oeuvre si particulière.
Je donnerai pour en résumer l’histoire sordide, d’ailleurs sous-titrée La Très Lamentable Tragédie romaine de Titus Andronicus, la place à l’un de mes blogs préférés : https://goodticklebrain.com/
Mya m’ayant gentiment autorisé à reproduire ses dessins ici.
Comme le dessine Mya Gosling : beaucoup de morts, de tortures, de mutilations et de viols choquants. La mort de l’empereur romain engendre des disputes entre ses fils Saturninus et Bassianus qui souhaitent lui succéder. Marcus Andronicus, tribun, annonce que le choix du peuple s’est porté sur son frère Titus Andronicus, frère de l’empereur, parti en campagne militaire. De retour après sa victoire contre les Goths ramenant avec lui comme butin de guerre, la reine Tamora et ses trois fils ainsi que son amant secret Aaron le Maure, Titus décide de sacrifier pour l’exemple le fils aîné de la reine, Alarbus, afin de venger la mort de ses fils morts au combat. Tamora dévastée jure de se venger avec ses deux fils encore vivant, Demetrius et Chiron.
Titus refuse le trône et soutient la candidature de Saturninus qui, s’il est bientôt fait empereur décide d’épouser Lavinia, la fille de Titus Andronicus. Ce dernier accepte alors que sa fille est déjà fiancée à Bassaniu (le frère de Saturninus, il faut suivre…) qui refuse, selon la loi romaine, de la laisser épouser Saturninus. Titus dans le feu de l’action qui l’oppose à son fils, défendant Bassanius, tue Mutius, l’un de ses fils (il possède une très grande famille). Saturninus épouse finalement non pas Lavinia mais Tamora qui met à exécution son plan de vengeance et conseille à son époux de pardonner Bassianus et Andronicus.
Lors d’une chasse royale donnée le lendemain, Aaron convainc les fils de Tamora d’assassiner Bassianus et d’abuser de Lavinia (encouragé par Tamora qui décide de laisser cette dernière aux mains de ses fils). Tandis que le corps de Bassianus est jeté dans un ravin, Lavinia est entraînée de force dans la forêt, violée et mutilée sauvagement. On lui coupe la langue et les mains afin de ne pas dénoncer ses bourreaux. Deux autres fils de Titus, Martius et Quintus, sont accusée injustement par Aaron du meurtre de Bassianus à l’aide d’une lettre contrefaite. Saturninus fait condamner à mort les deux fils de Titus Andronicus. Marcus Andronicus découvre plus tard le corps de Lavinia et la ramène à son père dévasté par tous les coups que lui porte le sort. Aaron rend alors visite à Titus Andronicus et lui demande de se couper la main en échange de ses deux fils vivants. La main de Titus est envoyée à l’empereur qui la lui retourne avec les têtes de ses deux fils Martius et Quintus. Lucius, autre fils de Titus Andronicus, fuit alors Rome et tente de lever une armée parmi les Goths, ses anciens ennemis. En exil, Marcus réussit à faire tracer dans du sel le nom de ses agresseurs. Pendant ce temps, Tamora accouche secrètement d’un enfant métis dont le père ne peut être autre qu’Aaron. Ce dernier tue la sage-femme puis emporte le nouveau-né, il est capturé par l’armée de Lucius qui marche sur Rome. À Rome Titus Andronicus semble avoir perdu l’esprit. Le croyant fou Tamora, Chiron et Demetrius se déguisent en Esprit de la Vengeance, du Meurtre et du Viol, sortes de Harpies et affirme qu’il obtiendra réparation et vengeance si Lucius retarde son attaque sur Rome. Titus accepte et invite Lucius à un banquet de réconciliation retenant Meurtre et Viol, incarnés par les fils de Tamora. Une fois Tamora partie, Titus les égorge et recueille leur sang. Le lendemain Titus demande à Saturninus si un père doit tuer sa fille si elle a été déflorée contre son gré et devant la réponse positive il tue Lavinia racontant son viol et ses mutilations. Lorsque Saturninus demande que soient amenés Chiron et Demetrius, Titus Andronicus révèle qu’ils ont été cuits dans le repas mangé par les invité. Titus tue alors Tamora, est tué par l’empereur auquel Lucius met fin à la vie pour venger la mort de son père. Lucius devient empereur.
Voilà donc pour l’intrigue.
L’une des qualités majeures de la mise en scène de Blanche McIntyre est de montrer l’intemporalité du deuil, de l’horreur, et du sentiment de vengeance tout en le faisant coexister au comique de cette pièce (si si) qui vient en contrebalancer le glauque, l’infamie de certaines scènes. L’abondance des tonalités en strates est révélée par son parti-pris. Ainsi, la scénographie qui réutilise celle d’Antoine et Cléopâtre en venant l’actualiser, présente les marches d’un palais entouré de grillages et l’avant-scène ainsi que l’espace entre spectateurs et plateau est largement utilisé. La toute première scène est introduite par des mouvements chorégraphiés de danses, montrant le combat et l’opposition entre les Goths (à capuches) et l’armée, de noir vêtue, de Titus Andronicus sur fond de musique urbaine. Le tout montre une civilisation romaine en déclin : « l’austérité tue » peut-on lire sur les panneaux de manifestants aux portes du palais, écho à notre contemporanéité tandis que des journalistes filment des moments et scènes du palais (sans que l’image ne soit retransmise sur scène).
La mort de l’empereur et le combat entre les deux frères sont présentés comme une campagne politique, une harangue à la foule romaine. Chaque scène est fouillée et aucun détail n’est laissé au hasard inscrivant Titus Andronicus dans notre temps. L’opposition entre classe sociale huppée et le reste est marquée par les costumes comme au lendemain du mariage entre Tamora et Saturninus chaussant lunettes de soleil, habits de jet-setters et autres accessoires ostentatoires de classe sociale très aisée, ou encore dans une lumière crue d’été, les deux fils de Tamora à se faire bronzer tandis que l’on apprend la naissance du fils illégitime trahi par sa couleur de peau. La plupart des scènes sont à couper le souffle tant par l’intelligence de la mise en scène que par le rendu visuel. Ainsi, les deux frères, avant leur meurtre sont suspendus à des crochets de bouchers puis égorgés et emportés au niveau des cintres.
David Troughton excelle en Titus Andronicus jouant même avec le public lorsqu’il demande un papier et crayon pour inviter l’empereur à dîner et sceller une réconciliation avec Lucius lors de la première soulignant avec espièglerie « je sais que certains d’entre vous en ont sous la main » par référence aux journalistes présents dans la salle. La démultiplication des actions, les excès de la pièce, la démesure des personnages sont particulièrement palpables ainsi que la tendance de l’être humain à la cruauté et à la destruction. Malheureusement toujours d’actualité ainsi que l’horreur et l’absurde qu’elle met en scène sans sourciller de façon crue, brutale, actualisée mais toujours à propos.

Si vous êtes de passage à Londres je ne peux que la recommander. Comme souvent pour cette pièce âmes sensibles s’abstenir.
Titus Andronicus, Shakespeare, mise en scène Blanche Mc Intyre, Royal Shaakespeare Company.
En ce moment au Barbican à Londres jusqu’au 19 janvier 2018 : https://www.barbican.org.uk/whats-on/2017/event/royal-shakespeare-company-titus-andronicus
Durée 3 h avec entracte.
Le blog de Mya Gosling que je recommande hautement : https://goodticklebrain.com/
Ca m’a bien l’air joyeusement croquignole … ahh Shakespeare! 🙂
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Oui j’aime beaucoup. Cet excès de violence ! (ahem je ne sais pas pourquoi d’ailleurs)
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🙂
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