Anatomy of a suicide, Alice Birch, mise en scène Katie Mitchell, ovni époustouflant !


Katie Mitchell est de retour dans une pièce écrite par Alice Birch, Anatomy of a suicide ! C’est la bonne nouvelle Outre-Manche puisqu’il s’agit d’une des metteurs en scène les plus incroyables actuellement.

Anatomy of a Suicide fait le récit d’un traumatisme qui se transmet de génération en génération : le suicide d’une mère, Carol, l’impact de celui-ci sur l’enfant, Anna, puis sa petite fille, Bonnie. Pièce sur l’enfantement, la brutalité de celui-ci et de la mère en devenir, Alice Birch dissèque avec pudeur les blessures du passé et en analyse les conséquences  dans une pièce formellement stupéfiante : trois pièces, présentant les trois générations de femmes, trois scènes se déroulent simultanément sous les yeux médusés des spectateurs et présentent cet héritage complexe du suicide de la mère.

La mise en scène signée par l’immense Katie Mitchell présente un fond de scène au décor neutre composé de trois portes d’un blanc cassé, à l’avant-scène trois néons devant chaque porte ; ce blanc un peu sali offre des habillages de lumières variés répondant aux humeurs et lieux traversés par ces femmes (clinique, intérieur jour etc) ; les entrées et les sorties des personnages permettent au spectateur d’apercevoir par bribes  et au lointain l’intérieur d’une maison victorienne.

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Crédits : Stephen Cummiskey

La forme novatrice de cette pièce commande des dialogues dans lesquels les personnages se répondent de concert sur scène et par là même à travers le temps et c’est là l’une des ingénieuses inventions d’Alice Birch. Dans la mise en scène de Katie Mitchell au-dessus de l’encadrement des trois portes afférentes à chaque femme et donc, chaque scène est projetée l’année dans laquelle se déroule la scène qui suivra : les scènes de Carol (la grand-mère) s’étendent de 1973 à 1998, narrant la relation entretenue avec son mari John, sa grossesse, sa dépression post-accouchement, celles d’Anna, fille de Carol et mère de Bonnie, des années 90 à 2004 environ, présentant son inconstance, ses addictions puis sa stabilisation, sa grossesse et son suicide et Bonnie, des années 2014 à 2044, révèlent son incapacité à vivre avec cet héritage bien trop pesant qui se transmettrait, d’ailleurs, par les gènes d’après ce que révèleraient certaines  études scientifiques.

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crédits : Stephen Cummiskey

Si le texte d’Alice Birch est construit comme une partition, l’interprétation qu’en a fait Katie Mitchell et son habile finesse usuelle lui confère une virtuosité extrême. Les changements de costumes se font sur scène, selon un rituel précis : les trois femmes à l’avant-scène attendent d’être habillées telles des poupées, rappelant leur statut de personnages, présentant également leur évolution au cours du temps. Elles sont alors déshabillées pour être costumées en un ralenti précis face public.
L’ensemble est hypnotique, impressionnant de virtuosité, porté par des acteurs incroyables à la concentration extrême et dont le mérite est de donner à la fois à entendre ce texte au dialogues incisifs et subtils, de camper trois femmes si différentes (Carol est incarnée par Hattie Morahan, Anna par Kate O’Flynn et Bonnie par Adell Leonce) et pourtant si proches et de réussir à porter sur scène ces dialogues tout en délicatesse, simultanément, déroulant trois histoires qui se répondent, s’imprègnent et se nourrissent les unes des autres. Les personnages secondaires endossés tour à tour par Jodie McNee, Gerhwyn Eustache, Peter Hobday et Dickon Tyrell soutiennent brillamment cette architecture complexe et ciselée. Aucun temps mort. Chaque personnage continue de s’incarner malgré l’entrelacs de dialogues et de pièces. Grandiose.

Au-delà du destin individuel de ces personnages, c’est une veritable ode à la femme, une célébration de sa complexité qui ancre cette pièce complexe et passionnante.

 A ne pas rater.

Où ? Au Royal Court Theatre (métro Sloane Square) à Londres jusqu’au 8 juillet.

Combien de temps ? 2 heures sans entracte.

Quand ? Matinée à 14h30 le jeudi et le samedi, en soirée à 19h30.

Site : https://royalcourttheatre.com/whats-on/anatomy-of-a-suicide/

Un coup d’œil sur le texte Anatomy of a suicide, Alice Birch, Oberon books ( premières lignes  et un peu après) :

Un peu plus loin après les scènes d’exposition (pour le plaisir formel et l’innovation)  :                

5 commentaires

  1. Tu nous donnes tellement envie de voir cette pièce ! Je découvre chaque fois des nouveaux metteurs en scène. Je ne connaissais pas Katie Mitchell et je vais m’y intéresser ! Il me semble avoir lu le texte, il faut que je recherche dans mes archives. Ton emballement est contagieux ! Cette pièce a l’air magique ! Espérons qu’elle sera traduite pour la France ! Merci Camellia ! Bizz

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